Avantages et défis des classes d’apprentissage actif au collégial; le point de vue des étudiants et des enseignants
Auteurs
Bruno Poellhuber Université de Montréal |
Samuel Fournier St-Laurent Collège Ahuntsic |
Madona Moukhachen Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. |
Résumé court
Plusieurs cégeps investissent dans les classes d’apprentissage actif, aménagées pour favoriser le travail collaboratif et les pédagogies actives avec les technologies. Cet article rapporte les résultats de la première itération d’une recherche de type design-based research, à partir d’entrevues avec les étudiants et les enseignants. Les principaux avantages perçus ont trait à la collaboration entre étudiants et entre enseignants, l’utilité perçue des TIC et des approches pédagogiques et l’engagement des étudiants. L’approche est exigeante sur les plans de la planification pédagogique et de la gestion de classe et les étudiants notent parfois des problèmes avec les TIC et les travaux d’équipe.
Mots clés
Pédagogies actives; TIC; apprentissage coopératif; motivation; valeur; engagement
Résumé long
Problématique
Les classes du XXIe siècle (ou classes d’apprentissage actif), dotées d’un environnement technologique riche et d’un aménagement favorisant le travail collaboratif (Justeau, 2012), jouissent d’une popularité sans précédent dans les établissements d’enseignement postsecondaires. Dans le domaine de l’enseignement de la physique en contexte anglophone nord-américain, les méthodes utilisées dans les classes d’apprentissage actif ont amené des gains conceptuels plus importants que ceux réalisés avec les méthodes traditionnelles (Beichner et al., 2007; Charles, Lasry, & Whittaker, 2011; Hake, 1998).
L’enseignement magistral, prédominant dans les établissements d’enseignement postsecondaire, met surtout l’accent sur les interactions entre un enseignant et ses apprenants. Les pédagogies actives misent particulièrement sur les interactions entre apprenants et les interactions apprenants-contenus, une combinaison particulièrement efficace (Bernard et al., 2008). Les recherches réalisées jusqu'à présent montrent que les méthodes d’apprentissage basées sur la collaboration et la coopération ont un impact positif sur l’apprentissage (Michael, 2006), la persévérance et d’autres dimensions (Johnson, Jonhson et Smith, 1998). L’apprentissage actif (qui comprend l’apprentissage coopératif, l’approche par problèmes –APP- et d’autres méthodes) contribuerait aussi à la persévérance des étudiants universitaires (Braxton, Millern et Sullivan, 2000).
Cadre conceptuel
Du point de vue des enseignants, le cadre théorique utilisé mobilise surtout les pratiques pédagogiques misant sur la collaboration entre étudiants (apprentissage coopératif), et celles qui relèvent des pédagogies actives.
Du point de vue des étudiants, les concepts d’engagement et de motivation sont sollicités, au travers des théories motivationnelles dérivées de la théorie de l’apprentissage social (Bandura, 1986) qui reposent sur une vision interactionniste de la motivation (Pintrich, 2003), en mobilisant particulièrement la composante valeur (importance, utilité, intérêt, etc.). Ces théories voient l’engagement comme résultant d’une motivation favorable en distinguant entre engagement comportemental, cognitif et affectif (Linnenbrink & Pintrich, 2003).
Méthodologie
Dans le cadre d’une recherche de type design-based fondée sur une collaboration entre l’Université de Montréal et six cégeps, nous avons voulu investiguer si les bénéfices de l’approche peuvent être obtenus dans d’autres contextes et disciplines. Dans ce type de méthodologie (Brown, 1992, Anderson, 2005), l'expertise des chercheurs et celle des acteurs terrain sont jointes. Le présent article présente une partie des résultats obtenus lors de la première itération, celle de l’hiver 2014 et se fonde sur la réalisation de dix entrevues individuelles semi-dirigées avec les enseignants ayant œuvré dans les cinq classes du projet et des entrevues de groupe réalisées avec treize groupes d’étudiants. L’objectif est de mettre en évidence les principaux avantages et défis de l’enseignement et de l’apprentissage dans ce contexte, à partir de l’analyse du discours des principaux acteurs concernés, i.e. les étudiants et les enseignants.
Les entrevues ont été retranscrites. Par la suite, le codage et l’analyse ont été faits grâce au logiciel d’analyse qualitative QDA Miner. Le codage des segments de données a été établi selon une approche mixte suivant les étapes suggérées par Miles et Huberman (1994) qui implique l’élaboration d’une grille de codage avec un accord inter juges d’au moins 80 % sur un échantillon de 20 % des données ainsi que des étapes de codage et de contre-codage impliquant deux juges.
Résultats
Entrevues de groupe avec les étudiants
Du côté des étudiants, les principaux avantages rapportés dans les entrevues de groupe sont liés à la valeur perçue des TIC et des approches pédagogiques mises en œuvre. Plus précisément, les catégories suivantes sont les plus fréquemment mentionnées : l’utilité perçue du travail d’équipe, l’utilité perçue des TIC, l’intérêt pour l’approche pédagogique utilisée, la productivité dans le travail d’équipe.
Les désavantages les plus fréquemment mentionnés sont : les limites des TIC et les problèmes techniques, le désengagement, des exigences parfois inappropriées de l’approche pédagogique.
Entrevues individuelles avec les enseignants
Les entrevues individuelles réalisées avec les enseignants ont mis en lumière différents avantages d’œuvrer dans un contexte de classe d’apprentissage actif : la collaboration entre étudiants, la collaboration entre enseignants, l’engagement des étudiants, une meilleure connaissance de ceux-ci et un meilleur suivi des étudiants.
Des défis assez importants ont aussi été identifiés sur le plan de la gestion de classe, du caractère déstabilisant de l’expérience en raison de la nécessité d’adapter ses pratiques pédagogiques. Des problèmes techniques et des problèmes dans le fonctionnement des équipes étudiantes ont aussi été signalés.
Discussion/Conclusion
Il est intéressant de constater que le principal avantage mentionné par les enseignants et les étudiants est la collaboration entre étudiants. L’utilité des TIC et l’intérêt pour les approches pédagogiques utilisées (qui relèvent des pédagogies actives). Les CLAAC, aménagées spécifiquement pour favoriser les pédagogies actives et le travail d’équipe avec les technologies, semblent donc bien remplir leur mission. Il ne faut toutefois pas sous-estimer les exigences liées aux problèmes techniques, à la gestion de classe et à la préparation des activités pédagogiques dans ce contexte. Le soutien à donner aux enseignants appelés à y enseigner est à préparer en conséquence.
Références bibliographiques
Braxton, J. M., Milern, J. F., & Sullivan, A. S. (2000). The influence of Active Learning on the College Student Departure Process: Toward a Revision of Tinto’s Theory. The Journal of Higher Education, 71(5), 569–590
Brown, A. L. (1992). Design experiments - Theoretical and methodological challenges in creating complex interventions in classroom settings. The journal of the learning sciences, 2(2).
Johnson, B. D. W., Johnson, R. T., & Smith, K. A. (1998). Cooperative Learning Returns To College : What Evidence Is There That It Works ? Change, 30(4), 26–35.
Pintrich, P. R. (2003). Motivation and classroom learning. In W. M. Reynolds &. G.E. Miller (Eds) (Ed.), In handbook of psychology, vol 7: Educational psychology (pp. 103-122). Hoboken, N.J.: John Wiley & sons.