Christophe Roux-Dufort Université Laval Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
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Roseline Boyer Université Laval Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
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Plusieurs cours de gestion visent le développement chez les étudiants de compétences complexes et transversales. L’acquisition de ces compétences ne peut pas toujours être favorisée par un simple cours universitaire. Pour ce faire, elles doivent être mises en pratique dans un environnement sécurisé où le droit à l’erreur permet à l’étudiant d’expérimenter et de puiser dans ses connaissances pour faire face et résoudre des problèmes multidimensionnels. C’est pourquoi FSA ULaval développe des simulations de gestion interactives dans lesquelles le scénario se modèle en fonction des décisions des étudiants. Cette rétroaction immédiate entre l’application des connaissances et les conséquences de la prise de décision oblige l’étudiant à analyser et à critiquer ses propres comportements. Parmi ces simulations, deux ont été développées dans le contexte d’un cours de gestion des crises.
Dans ce domaine l’acquisition de compétences complexes est en un enjeu important parce que les crises font aujourd’hui partie intégrante du paysage économique et social des nations et de la vie des organisations et nécessite de préparer les étudiants (Lalonde et Roux-Dufort, 2013). Aucun dirigeant qu’il soit à la tête d’une organisation privée, publique ou d’une institution politique n’est à l’abri d’événements majeurs inattendus mettant en cause sa crédibilité, sa légitimité et parfois l’existence même de son organisation. Savoir faire face aux crises devient ainsi un enjeu critique pour tous les gestionnaires. Ceci consiste principalement à savoir mobiliser des réflexes clés appropriés, faire face à la presse, mettre en place des dispositifs efficaces de prévention et de pilotage (Pearson et Clair, 1998).
À ces habiletés à développer s’ajoute la difficulté selon laquelle former à gérer des crises est un enjeu difficile parce que rien ne peut vraiment préparer des individus aux contingences réelles d’une crise et aux difficultés concrètes auxquelles elle les expose. Les théories d’analyse, de diagnostic et de prévention des éléments précurseurs aux crises apparaissent souvent comme des évidences aux apprenants (Roux-Dufort, 2007). Le développement de compétences complexes, qui font non seulement appel aux savoirs théoriques, mais aussi à l’expérience, à l’éthique et aux savoirs-être des individus, nécessite donc un contexte d’apprentissage qui va au-delà de la simple analyse factuelle.
L’une des méthodes les plus connues et les plus développées à ce jour pour s’entraîner à gérer des crises sont les exercices et les simulations auxquels se livrent de nombreuses organisations lorsqu’elles souhaitent sensibiliser et préparer leurs équipes à appréhender les situations potentiellement à risque et à faire face au pire (Boin, Kofman-Bos et Overdijk, 2004). Un des éléments cruciaux dans la gestion d’une crise est le contrôle de ses émotions, de son stress et la capacité à faire confiance à son jugement et son intuition. La simulation permet de recréer un environnement où les participants peuvent vivre cette pression et ce stress. Notre expérience dans le domaine montre que les simulations s’avèrent être des outils efficaces dans la mesure où les objectifs visés par l’outil prennent en compte les compétences à faire développer chez les apprenants (Borodzicz et Van Haperen, 2002).
Le premier critère essentiel d’une bonne simulation de crise est la plausibilité et non la probabilité. Nous cherchons à créer des scénarios plausibles, c’est-à-dire des scénarios qui ont un sens et permettent d’apprendre sur l’organisation et ses dysfonctionnements au quotidien. En second lieu, le réalisme est nécessaire à une bonne simulation. Réalisme ne signifie pas qu’elle correspond en tout point à la réalité, mais qu’elle s’en rapproche suffisamment pour que les participants aient l’impression que c’est de leur propre réalité dont il est question. Ceci nécessite une recherche d’information précise, détaillée et concrète pour la rédaction du scénario. Aussi, puisque la simulation de crise vise à passer par un événement exceptionnel pour mieux apprendre des organisations, il est impératif de s’assurer que la scénarisation mobilisera les participants autant dans des registres cognitifs qu’émotionnels, les amenant ainsi à considérer toute une série de paramètres, pas toujours objectifs, pas toujours complets, pour prendre leurs décisions.
Finalement, gérer une crise, c’est gérer une série de micro-évènements qui forment un ensemble complexe. La simulation doit refléter cette complexité pour produire chez les participants un double sentiment. Le premier est d’avoir, malgré l’ampleur de la crise, réussi à prendre quelques bonnes décisions pour s’en sortir. Ces bons coups contribuent à conforter l’étudiant dans sa capacité à appliquer les réflexes de gestion de crise adéquats, tel qu’appris. Le deuxième est d’être conscient qu’il n’a pas su tout gérer, que plusieurs choses lui ont échappé. Ce sentiment de ne pas être en plein contrôle est capital, parce qu’il garantit que l’apprenant gardera une vigilance et un qui-vive suffisant pour faire face aux vraies crises qui l’attendent. Contradictoire direz-vous ? Pas du tout. Car souvent, la gestion de crise ne consiste pas à gagner, mais à perdre le moins possible. Et vous, saurez-vous faire face aux crises ? Venez vivre Sandhogs pour le découvrir.
Dans cette présentation, nous proposerons aux participants de vivre une simulation de gestion de crise. La simulation virtuelle Sandhogs met en scène un scénario décisionnel dans lequel chaque étudiant joue le rôle d'un gestionnaire de projet, en charge de la construction du tunnel sous-marin Céroman, dont le chantier a débuté depuis 18 mois plus tôt. En moins de 24h, il devra prendre une décision capitale : doit-il suspendre la construction du tunnel et annuler la conférence de presse d’inauguration prévue à l’intérieur en présence de personnalités publiques de 1er rang.
Pour y parvenir, l’étudiant devra analyser les aspects techniques, scientifiques, politiques, financiers, organisationnels, réputationnels et éthiques dans le contexte d’un grand projet de construction ayant présenté, dès le départ, des anomalies techniques et organisationnelles. Les interactions de l’étudiant avec les évènements de la simulation auront une incidence sur le scénario vécu.
Durant la simulation, les participants seront appelés à :
mettre à l'épreuve leur capacité de décision individuelle en situation d'incertitude, d'ambiguïté et de pression temporelle;
s'entraîner à prendre des décisions en intégrant les conflits de pouvoir et d'influence qui s'exercent sur eux;
analyser des signaux faibles précurseurs d'une crise;
confronter et trancher un dilemme éthique qui met en balance une brillante carrière personnelle, la survie d'une grosse compagnie et possiblement la vie de plusieurs dizaines de personnes.
Lors de l’atelier, les participants se verront mettre en contexte sur les principaux éléments relatifs à la gestion en situation de crise. Par la suite, le contexte de la simulation leur sera présenté et celle-ci débutera. À l’aide d’évènements courriels, d’appel téléphonique ou de vidéo tirés de la simulation électronique, les participants se retrouveront plongés aux cœurs de la crise et devront prendre des décisions. Le professeur Roux-Dufort animera les participants pour les confronter dans leur choix et les amener à réfléchir aux enjeux. Selon les décisions prises par l’ensemble, les participants à l’atelier seront confrontés aux conséquences des décisions prises. Tout au long de cette partie de l’atelier, la complexité et la diversité des situations abordées les obligeront à adopter une vision globale et à recomposer plusieurs points de vue.
En plus de vivre une simulation interactive, cette présentation abordera aussi le processus derrière la création de simulations. Notamment, nous nous pencherons sur les raisons pédagogiques qui nous ont poussés à développer une simulation et les principaux enjeux à combler.
Le processus de développement pédagogique, basé sur le ADDIE model sera présenté et les défis rencontrés seront aussi partagés aux participants. Ces défis, parfois pédagogiques, parfois techniques permettront de comprendre l’importance, durant le projet, de se recentrer sur les objectifs et les compétences à développer qui doivent demeurer au cœur du processus de développement. Nous présenterons également l’exploitation pédagogique de la simulation en classe pour assurer l’atteinte des objectifs visés. Enfin, nous aborderons la perception des étudiants et verrons comment ces derniers vivent l’expérience de la simulation et son impact non seulement sur les compétences à développer, mais aussi sur la connaissance de soi.
Références
Borodzicz, E., & Van Haperen, K. (2002). Individual and group learning in crisis simulations.
Journal of contingencies and crisis management, 10(3), 139-147.
Boin, A., Kofman-Bos, C., & Overdijk, W. (2004). Crisis simulations: Exploring tomorrow’s vulnerabilities and threats. Simulation & Gaming, 35(3), 378-393.
Lalonde, C., & Roux-Dufort, C. (2013). Challenges in Teaching Crisis Management Connecting Theories, Skills, and Reflexivity. Journal of Management Education, 37(1), 21-50.
Pearson, C. M., & Clair, J. A. (1998). Reframing crisis management. Academy of management review, 23(1), 59-76.